Toutes les startups ne veulent pas devenir des licornes

Oubliez les licornes et leurs valorisations qui font exploser les compteurs. Perrine et Maud, deux amies de lycée qui ont fondé La Grande Serre en 2016 pour revégétaliser les villes, s’attachent à dépoussiérer le milieu de la logistique et à construire une entreprise durable et pérenne. Loin des clichés sur les startups, La Grande Serre est un nouveau modèle d’entreprise : c’est un zèbre, une startup qui réconcilie le profit et le sens.

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Deux femmes dans la logistique

Passionnées de plantes depuis toujours, Perrine et Maud ne sont pourtant pas issues du milieu du paysagisme. En 2015, Perrine est employée dans une banque d’affaires à Londres et Maud travaille aux côtés de Nicolas Vanier, l’explorateur du Grand Nord. Convaincues que l’offre de plantes à destination des citadins n’est pas adaptée, elles lancent un concept simple mais révolutionnaire : le premier service d’abonnement de plantes à Paris, qui garantit à tous d’avoir toujours les plus belles plantes.

Plongées dans un univers startup très masculin et orienté tech, les deux entrepreneuses doivent faire leurs preuves. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon une étude de Sista x BCG en 2019, seulement 5 % des startups fondées depuis 2008 ont été créées par une équipe 100 % féminine. Les femmes qui lancent leur business ont plus de difficultés que les hommes à lever des fonds : en France, les startups fondées par des femmes ont, en moyenne, 30 % moins de chance que celles fondées par des hommes d’être financées par les principaux fonds de capital-risque. D’autant que Perrine et Maud évoluent dans le secteur très traditionnel de la logistique, alors que les investisseurs sont plus friands de startups tech. Mais elles ont confiance en leur projet et ne se laissent pas impressionner par l’écosystème startup qui ne jure que par la tech et les entrepreneurs masculins.

En 2015, leur modèle convainc Jean-Philippe Darnault, ancien PDG de Truffaut, Francis Lelong, fondateur de Sarenza, et d’investisseurs financiers basés à Londres. Elles lèvent 270 000 €. Ce sera leur première et dernière levée de fonds. Là où d’autres parient sur un hypothétique blitz-scale (« l’art de créer une entreprise pour dominer à tout prix un marché », selon Reid Hoffman), elles s’investissent à plein temps sur le développement commercial de l’entreprise. Le chiffre d’affaires de La Grande Serre décolle via la croissance organique du nombre de clients. A l’automne 2016, elles comptent déjà plus de 60 clients. « Notre business repose sur des jardiniers qui viennent entretenir des plantes à vélo : ce n’est pas un modèle qui nécessite d’énormes levées de fonds tous les ans. D’autant qu’on a rapidement atteint la rentabilité, ce qui nous a permis de conserver notre autonomie », explique Maud.

Une alternative aux zèbres : la licorne

Loin des startups cherchant sans cesse à lever des fonds pour combler leurs pertes, La Grande Serre s’attache au contraire à développer un business pérenne. L’ambition de Perrine et Maud n’est pas de devenir une licorne. La Grande Serre est un zèbre : une entreprise qui réconcilie le profit et le sens.

Le terme de zèbre a été inventée par Mara Zepada et Jennifer Brandel, deux entrepreneuses américaines. Il désigne une entreprise rentable, qui créé une véritable richesse et améliore la société. Le problème des licornes est qu’elles doivent dépenser des sommes importantes tout en accumulant les pertes lors de leurs premières années d’exploitation, alimentant leurs besoins de réunir continuellement des grosses sommes d’argent. Contrairement aux licornes, les startups « zèbres » répondent à un vrai problème de société. Dans le cas de La Grande Serre, il s’agit de redynamiser les lieux de vie en y installant les plus belles plantes.

La Grande Serre ne se contente pas de réenchanter les espaces de travail, mais a également créé un mode de management fondé sur l’humain et la transmission du bonheur. « On est loin de l’image qu’on peut se faire de la logistique, qui peut être un milieu très précaire : tous nos jardiniers sont embauchés en CDI. Ils ont une vraie relation avec nos clients, en passant arroser les plantes pendant les heures de bureau, par exemple. » La startup compte aujourd’hui 9 jardiniers urbains et prévoit de doubler ses effectifs en 2021.

Avec aujourd’hui plus de 500 clients abonnés et plus de 75 000 plantes installées depuis son lancement, La Grande Serre s’est fait une belle place dans la jungle de l’écosystème startup ! 

Sources :

https://medium.com/zebras-unite/sex-startups-53f2f63ded49

https://medium.com/zebras-unite/zebrasfix-c467e55f9d96