Eloge du trajet domicile/ bureau

Sommaire

Vous qui lisez cet article, vous êtes peut-être dans le métro, coincé dans la foule et impatient d’en finir. Diriez-vous que vous passez un moment agréable ? Non ? Vous n’êtes pas le seul à le penser. Selon une étude de Malakoff Médéric Humanis en 2020, 46 % des salariés qui voudraient bénéficier davantage du télétravail le font pour réduire leur temps de trajet.

Nombreux sont les reproches faits au trajet domicile/ travail : temps perdu, source de stress et d’énervement, coût carbone, promiscuité… Mauvaise nouvelle : le temps de trajet pour aller travailler est en constante augmentation ; il est aujourd’hui de 37 minutes en moyenne en France, et s’élève à 44 minutes en Ile-de-France.

Alors, est-ce que la solution idéale ne serait pas d’éliminer complètement le temps de transport, comme c’est le cas en télétravail ? Nous, à La Grande Serre, on est au contraire convaincus que ce temps n’est pas inutile et qu’il peut être mis à profit !

Les bienfaits du trajet domicile/ bureau

Vous le savez peut-être, chez nous, tout le monde se déplace à vélo : les jardiniers pour venir entretenir les plantes, mais aussi les membres de l’équipe bureau pour aller travailler. Et on ne supprimerait nos trajets pour rien au monde !

Un moment avec soi-même

Tout d’abord, le trajet est un moment propice à la réflexion et à la création, quel que soit son moyen de transport. La philosophie l’a bien compris : nombreux sont les théoriciens qui considèrent que, lorsque le corps est en mouvement, l’esprit peut vagabonder à sa guise. Dans l’Antiquité, l’école péripatéticienne fondée par Aristote voulait qu’on ne puisse philosopher qu’en marchant. Plus tard, Jean-Jacques Rousseau exprima lui aussi sa passion pour la marche à pieds : « Je ne puis méditer qu’en marchant, sitôt que je m’arrête, je ne pense plus, et ma tête ne va qu’avec mes pieds. » (Confessions d’un promeneur solitaire). La marche serait donc une sorte d’exercice spirituel.

Il en va de même pour le transport. Finalement, c’est une sorte de voyage : un voyage où l’on n’a qu’à se laisser porter d’un point A à un point B, comme une sorte de pause contemplative où l’on peut vraiment regarder autour de soi. Ce relâchement de l’esprit peut favoriser l’émergence de nouvelles pensées. Moi, par exemple, je profite de mon trajet pour réfléchir aux sujets de mes prochains articles et à ceux que je suis en train d’écrire.

Une coupure nécessaire après le travail

D’une manière plus prosaïque, le temps de trajet agit comme un sas de décompression entre le travail et la vie personnelle. Le soir, cela permet de réfléchir à la journée qui vient de s’écouler, de faire le bilan, et aide à se déconnecter. Le matin, cela permet d’arriver au travail l’esprit clair. C’est un moment de rupture et de transition qui n’appartient qu’à nous.

En télétravail, le temps de trajet disparaît, et les frontières entre vie personnelle et vie professionnelle s’effritent. Les experts ont d’ailleurs observé que, avec l’essor du télétravail, les Français ont globalement tendance à travailler plus. Selon une étude de Deskeo, pendant le premier confinement, 32 % des Français ont eu le sentiment de travailler plus que d’habitude, et seul un Français sur cinq a eu l’impression de travailler moins. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, nos vies se sont donc accélérées avec l’essor du télétravail. Seulement 16 % des Français ont utilisé le temps gagné dans les transports pour leurs loisirs, alors que 59 % l’ont utilisé pour travailler. Ça a été le cas pour Maud, notre co-fondatrice : « Pendant le confinement, on a eu beaucoup de choses à gérer avec la fermeture des bureaux. Il fallait être sans cesse en contact avec nos clients pour savoir qui était fermé, quand on pouvait passer pour entretenir les plantes, etc. Résultat : j’ai travaillé beaucoup plus que d’habitude, alors même que je gagnais plus d’une heure de trajet par jour ! ».

Dans une période particulière comme le confinement, le temps de trajet gagné a été utilisé dans une logique productive, ce qui a pu entraîner du stress, de la fatigue, des troubles du sommeil, etc. Couplée aux autres effets négatifs du télétravail (isolement, pression supplémentaire), cette situation n’a pas été bénéfique pour tout le monde.

Une source d’activité physique

Enfin, pour ceux qui font attention à leur santé, le temps de trajet est aussi un moment où l’on est actif physiquement, même lorsqu’on prend les transports en commun. Selon une étude de l’Inserm en 2016, les franciliens utilisant les transports en commun font en moyenne 27 minutes d’activité physique par jour. Cela dépend bien sûr du mode de transport, mais les bienfaits sont réels. Pour nos jardiniers, qui parcourent environ 1 500 kilomètres à vélo chaque semaine, les trajets et l’activité physique sont parmi les raisons pour lesquelles ils aiment leur métier : être dehors et se dépenser toute la journée est pour eux un vrai plaisir !

L’essor du fake commute

Le blues du trajet domicile/ travail

C’est un paradoxe entraîné par la pandémie de Covid-19 et l’essor du télétravail : alors que le temps de trajet était autrefois si décrié, nombreux sont ceux qui cherchent aujourd’hui à le recréer artificiellement ! Preuve que les télétravailleurs reconnaissent les bienfaits physiques et mentaux du temps de trajet, et que celui-ci leur manque.

C’est ce qu’on appelle en anglais le fake commute, le commuting désignant le trajet entre son domicile et son lieu de travail. Il s’agit donc de bénéficier des bienfaits du temps de trajet en se réservant des plages de la durée de son temps de trajet habituel : le matin, au lieu de se mettre directement devant son ordinateur pour travailler, on peut aller marcher, courir ou faire du vélo pour s’aérer l’esprit et être plus concentré pendant la journée. Cela aide à compartimenter ses activités et à ne pas laisser le travail empiéter sur sa vie personnelle : le faux temps de trajet donne ainsi l’illusion de partir au travail. Certains avouent même être excités de retrouver les embouteillages !

Le trajet virtuel

Si vous n’avez pas envie de sortir, les plateformes virtuelles (les mêmes sur lesquelles vous faites vos visio-conférences) s’y mettent aussi. Microsoft a récemment annoncé le lancement d’une fonction « trajet virtuel » sur sa plateforme Teams, que chaque utilisateur pourra ajouter à son agenda. Cette fonction proposera aux utilisateurs de faire un court bilan de la journée effectuée et de mieux se préparer pour le lendemain, et mettra à leur disposition une activité de détente, pour mieux « se couper » de son travail. Selon les équipes de Microsoft, le moment de réflexion permis par le trajet augmenterait la productivité de 12 à 15 %.

Réhabiliter le temps de trajet

Le temps de trajet domicile/ travail apparaît finalement comme un rituel propice à la réflexion et à l’introspection. Alors qu’on a parfois l’impression de perdre du temps pendant nos trajets, ceux-ci nous permettent en réalité d’être plus productifs et concentrés dans la journée. Sans le trajet, nos journées sont réduites à « boulot dodo », ce qui peut avoir des effets encore plus nocifs sur notre mental que le temps de trajet en lui-même.

D’ailleurs, le temps de trajet idéal ne correspond pas à l’absence totale de temps de déplacement, mais serait de 16 minutes, selon une étude menée à San Francisco sur près de 1 000 travailleurs : les bienfaits du temps de trajet ne sont donc plus à prouver. Alors, pour notre bien-être, circulons !

Sources :

https://www.leparisien.fr/economie/nouvelles-mobilites/en-moyenne-de-20-a-44-minutes-pour-se-rendre-au-travail-12-09-2019-8150175.php

https://newsroom.malakoffhumanis.com/actualites/malakoff-humanis-presente-les-resultats-de-son-etude-teletravail-2020-f40d-63a59.html

https://www.deskeo.fr/blog/sondage-coronavirus-teletravail/

https://link.springer.com/article/10.1023/A:1010366321778

https://www.20minutes.fr/paris/1925859-20160916-prendre-transports-commun-ile-france-faire-sport